OUZBEKISTAN (RÉPUBLIQUE D’)

OUZBEKISTAN (RÉPUBLIQUE D’)
OUZBEKISTAN (RÉPUBLIQUE D’)

OUZBEKISTAN RÉPUBLIQUE D’

Comme dans les autres pays d’Asie centrale, l’indépendance de l’Ouzbékistan, proclamée le 1er septembre 1991, n’est pas l’aboutissement d’un mouvement nationaliste. Le Parti communiste d’Ouzbékistan, sous la direction du premier secrétaire Rachidov, avait profité du long règne de Brejnev pour devenir autonome et mettre en place des réseaux d’enrichissement à la limite du système mafieux, tout en manifestant une loyauté politique sans faille envers Moscou. Les purges décidées par le nouveau maître de l’U.R.S.S., Andropov, en 1983, ont cependant créé un ressentiment profond dans la nomenklatura ouzbèke, qui a quitté sans trop de regret le navire soviétique. Le premier secrétaire du Parti communiste (rebaptisé Parti démocrate populaire le 14 septembre 1991), Islam Karimov, est devenu sans coup férir président de la République en décembre 1991 avec 86 p. 100 des suffrages. La Constitution, adoptée en décembre 1982, instaure un régime largement présidentiel.

La politique menée par le président Karimov a clairement visé un double objectif: assurer une véritable indépendance (en particulier par rapport à la Russie) et mettre en place un régime présidentiel et autoritaire qui exclue toute véritable opposition.

Avec plus de 20 millions d’habitants et une superficie de 447 400 kilomètres carrés, l’Ouzbékistan est le poids lourd de l’Asie centrale. Sans le dire explicitement, Tachkent reprend le flambeau de l’émirat de Boukhara, qui a dominé du XVIe au XIXe siècle la plus grande partie du territoire actuel de l’Ouzbékistan, du Turkménistan et du Tadjikistan. La politique d’indépendance s’est jouée sur un registre très large allant du symbolique au stratégique. Sur le plan du symbolique, on récupère le passé glorieux de l’Asie centrale en y trouvant les mythes fondateurs de la nouvelle république: la statue de Karl Marx est remplacée par celle de Tamerlan (sept. 1993), fondateur à la fin du XIVe siècle d’un empire allant d’Ankara à la frontière de Chine. L’empereur Babour, né dans le Fergana, est aussi un héros national, tandis que Rachidov est réhabilité. La légitimité du régime est avant tout fondée sur un nationalisme ethnique. La loi sur la langue, très rigoureuse, rend l’ouzbek obligatoire dans toutes la pratique administrative, ce qui a eu pour effet d’ouzbékiser très rapidement l’administration et l’université, cantonnant les russophones dans quelques fonctions techniques sans influence politique. La double nationalité est refusée malgré les demandes pressantes de Moscou.

Sur le plan stratégique et militaire, Tachkent accepte la présence des gardes-frontière russes, faute de forces militaires suffisantes, mais réduit considérablement la présence militaire russe sur son territoire (il ne resterait qu’une base aérienne dans la vallée de la Fergana) et «ouzbékise» les cadres militaires, même s’il y a encore beaucoup d’officiers russes sous contrat. Tachkent refuse avec constance de déléguer à la C.E.I tout élément de souveraineté, à commencer par le militaire. Au sommet de la C.E.I. de février 1995, Tachkent refuse (avec les Turkmènes, les Azéris et les Ukrainiens) de signer un avenant militaire contraignant.

Tachkent s’efforce aussi de développer une diplomatie régionale autonome par rapport à Moscou. Si, en Afghanistan, il soutient le général Doustom (un Ouzbek qui tient le centre-nord du pays) pour mieux verrouiller de l’extérieur sa frontière, au Tadjikistan, Tachkent, qui s’était d’abord allié à Moscou pour chasser la coalition islamo-démocrate au pouvoir en 1992, s’oppose depuis 1994 au gouvernement soutenu par les Russes et tente à la fois de promouvoir les dirigeants de la province du Nord (enclavée dans l’Ouzbékistan) et de reprendre langue avec l’opposition islamo-démocrate, reçue officiellement à Tachkent en avril 1995.

Tachkent s’est aussi efforcé de se rapprocher des États-Unis après une période de tension, où Washington exerçait de fortes et vaines pressions pour que l’opposition ouzbèke soit autorisée. Ce rapprochement s’est traduit par l’approbation inattendue des nouvelles sanctions américaines contre l’Iran (mai 1995). Les relations de l’Ouzbékistan avec les pays voisins sont plutôt froides. Avec l’Iran, c’est la méfiance réciproque qui règne. L’Ouzbékistan est aussi très critique à l’égard des velléités panturquistes d’Ankara. Tachkent a protesté contre l’asile accordé par la Turquie à Mohammad Saleh et a rappelé ses boursiers de Turquie.

Le choix du nouvel alphabet montre bien comment Tachkent veut se positionner sur l’échiquier régional: le gouvernement a décidé d’adopter l’alphabet latin pour marquer son ancrage «européen», contre l’influence russe (alphabet cyrillique en vigueur) et l’influence venue du Moyen-Orient (l’Iran et les milieux musulmans incitant au retour de l’alphabet arabe). Mais cet alphabet latin diffère aussi sensiblement de l’alphabet turc: Tachkent veut clairement montrer qu’il ne cherche pas de nouveau grand frère.

Sur le plan intérieur, le président Karimov s’est efforcé avec succès de réduire l’opposition et de mettre en place un régime présidentiel autoritaire. Après l’élection présidentielle de 1991, les partis d’opposition Erk (Mohammad Saleh) et Birlik (les frères Poulatov) ont été interdits, leurs dirigeants arrêtés, jugés, puis libérés pour désamorcer la pression internationale. Les élections législatives de décembre 1994 (avec un deuxième tour en janvier 1995), très verrouillées par le gouvernement, se sont soldées par la victoire annoncée du Parti démocrate populaire d’Ouzbékistan (parti présidentiel), même si la présence d’une opposition officielle, le Parti du progrès de la patrie, permet de maintenir une apparence de pluripartisme. La véritable opposition a été mise dans l’impossibilité de participer au scrutin. Cependant, l’élection de ce nouveau Parlement est significative, car elle montre l’ouzbékisation de la vie politique: 86 p. 100 des députés sont d’origine ethnique ouzbèke, alors que le pourcentage des Ouzbeks dans la population se situe aux alentours de 75 p. 100. Dans la foulée des législatives, le gouvernement organisa un référendum pour prolonger le mandat du président jusqu’en 2000, ce qui fut fait.

L’opposition démocratique étant réduite, le seul risque de contestation du régime venait de l’islam. Mais le gouvernement joua ici une carte plus subtile. Les zones où le fondamentalisme est actif représentent avant tout une opposition régionaliste (vallée de la Fergana, qui a très peu de représentants dans le pouvoir central): elles ont été réduites assez facilement, comme dans la ville de Namangan, brièvement contrôlée en 1992 par un parti islamiste. Le président Karimov s’efforce de développer un islam officiel et de récupérer, à son profit, une certaine légitimité islamique. Le mufti officiel nommé à l’époque soviétique, Mohammad Youssof, a été mis à l’écart au printemps de 1993 et remplacé par un personnage beaucoup moins prestigieux et très proche des autorités: Hajji Mukhtar Abdoullah, qui, comme son prédécesseur, est d’une famille de religieux soufis appartenant à la confrérie Naqshbandi. Le régime s’efforce de réhabiliter un islam «à l’ouzbek» en jouant entre autres sur le fait que le fondateur de l’ordre soufi des Naqshbandi a son tombeau dans la ville ouzbèke de Boukhara. Les fêtes religieuses sont déclarées fêtes officielles, le drapeau ouzbek porte un croissant et une bande verte. Si l’islam politique a peu d’impact, une certaine ré-islamisation de la vie quotidienne et de la société est perceptible sous l’influence de réseaux financés par la Ligue islamique mondiale.

L’économie ouzbèke a connu un fort déclin à la suite de l’indépendance. Le coton reste le principal produit d’exportation et le gouvernement s’efforce de trouver de nouveaux débouchés. Malgré l’annonce d’une privatisation de l’économie, le système reste encore très soviétique: les kolkhoz dominent les campagnes, d’autant qu’ils correspondent à des groupes de solidarité locaux très ancrés. Les échanges avec l’extérieur sont contrôlés par les différents ministères et agences gouvernementales. Mais une ouverture est nettement perceptible. En 1995, la Banque mondiale et le F.M.I. ont décerné un satisfecit à l’Ouzbékistan pour ses progrès. Une devise nationale, le soum, a été introduite en 1994. Les milieux d’affaires occidentaux s’intéressent de plus à plus à l’Ouzbékistan (Airbus Industrie). Il y a peu de pétrole, mais le pays dispose de mines d’or (sans doute 70 tonnes d’or par an).

Les questions ethniques ne se posent guère, sauf pour les Tadjiks. Les Russes s’en vont, la république autonome de Karakalpakie reste largement une fiction politique (2 p. 100 de la population pour un tiers du territoire). Les Tadjiks, officiellement 4 p. 100 de la population, mais sans doute 10 p. 100 en réalité, concentrés à Samarkand et Boukhara, souffrent de ne pas être reconnus en tant que tels, mais ne font pas l’objet de discriminations individuelles; la guerre civile au Tadjikistan les prive aussi d’une référence et d’un soutien extérieurs.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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